Abdénour Ain-Seba, président d’IT Partner

Avec la crise, nombre de dirigeants ont pris conscience qu’ils pouvaient s’appuyer sur les représentants du personnel.

Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Ayant créé mon entreprise, j’ai voulu comprendre en quoi les relations sociales peuvent-elles être un moteur de motivation et participer tant à la dynamique de son développement qu’à l’amélioration de son organisation.

C’est pourquoi, lorsque je suis devenu président du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) de Lyon, j’ai mis le dialogue social au cœur de mon mandat et j’ai élaboré, avec deux membres intervenant sur ces sujets avec des sensibilités complémentaires, une formation gratuite destinée aux patrons de TPE et PME de la région. Par ailleurs, nous avons entamé avec la CFDT, un dialogue afin d’avoir une connaissance réciproque des réalités de notre quotidien et ouvrir des nouveaux horizons. Cette expérience m’a amené à me questionner sur la façon dont la gouvernance d’entreprise peut évoluer et comment la communauté de travail peut s’exprimer au-delà de la voie des RH ou de la voie hiérarchique classique.

Par la suite, j’ai intégré le bureau national du CJD et j’ai piloté la commission nationale sur le dialogue social. J’ai travaillé avec des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatifs au plan national. A la fin de mon mandat, j’ai intégré le conseil d’administration de l’association Réalités du dialogue.

Il est vrai qu’en tant que patron de TPE/PME, nous pouvons avoir le sentiment que le dialogue social est davantage une contrainte qu’une opportunité. Pourtant, en s’y intéressant, nous découvrons quil constitue un réel avantage pour mieux comprendre son entreprise, ce que vivent les collaborateurs et leur permettre, via leurs représentants, de participer aux choix stratégiques.

Quel regard portez-vous sur le dialogue social dans cette période pandémique ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ? 

Selon les entreprises, les représentants du personnel ont fait un important travail de terrain pour ne pas perdre le lien avec les collaborateurs et faire remonter les signaux faibles. Cette démarche a été conduite en lien avec les RH dont l’approche était différente et souvent complémentaire. Dès lors, nombre de dirigeants ont pris conscience qu’ils pouvaient s’appuyer sur les représentants du personnel pour obtenir des informations pertinentes afin de les aider dans les choix concernant le travail à distance par exemple. 

Avec la délégation Auvergne-Rhône-Alpes de l’association, nous menons une étude sur la façon dont la pandémie a questionné les fondamentaux des entreprises ayant des modes de gouvernance en dehors des schémas traditionnels. Par exemple, dans mon entreprise, nous sommes très proches des élus CSE. Au cœur de la crise nous avions un point par semaine. Cela nous a permis de co-construire la poursuite de l’activité. Ensemble, nous avons décidé d’arrêter le chômage partiel au 1er juin 2020. Durant la période de chômage partiel, nous maintenions pour toutes et tous, a 

minima, 2h de travail par jour. Non pas pour des raisons de performance, bien évidemment, mais afin de conserver le lien et les occuper utilement. 

Avec la crise, tant les élus que les directions, ont véritablement pris conscience de leur intérêt commun : la reprise de l’activité pour tous qui passe par la pérennité de l’entreprise. Cette période en étant commune à tous, a permis de renforcer la proximité, la confiance. Je suis convaincu qu’à l’avenir, nous aurons moins de difficultés à aborder des sujets sensibles. 

Vous êtes adhérent de l’association réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

J’apprécie que Réalités du dialogue social ne soit pas une association partisane. Son positionnement est unique. Elle rassemble des personnes, ayant des sensibilités différentes mais convaincues que le dialogue social est un outil de performance, à la condition qu’il soit loyal et efficient. Elle leur met à disposition un espace hors du temps, permettant de s’éloigner des postures liées à l’actualité et de réfléchir sur des travaux au long cours. Par exemple, la délégation Auvergne-Rhône-Alpes avait travaillé sur le dialogue social stratégique; l’étude portait sur la façon dont le dialogue social peut être constitutif de la pérennité et du développement de l’entreprise. Le ‘mandascop’ a également fait œuvre utile, de nombreuses organisations syndicales régionales m’ont fait savoir qu’il leur permettait d’y voir plus clair. 

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la communauté réalités du dialogue social ?

« Frères d’âme », un dialogue entre Edgar Morin et Pierre Rabhi. Je trouve cet échange entre l’homme de la complexité et l’homme de la frugalité heureuse très instructif car leurs regards sont complémentaires et plein de sagesse. J’ai aussi apprécié (quoiqu’un peu long) « Une terre promise » de Barack Obama qui permet d’en savoir plus sur le fonctionnement de la démocratie américaine et nous confirme qu’en France nous sommes plutôt privilégiés. 😊



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