Anne Vauchez, Directrice adjointe, Affaires sociales européennes et internationales – MEDEF

Faire émerger un compromis à partir d’intérêts divergents, c’est très valorisant ! 

Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Je n’ai pas toujours exercé des fonctions dans ce champ : j’ai eu une première expérience professionnelle comme juriste en droit social pour les activités françaises d’un groupe industriel et j’ai également été en charge des Affaires publiques européennes. Mais j’ai toujours eu des activités dans lesquelles le dialogue avait une dimension primordiale, que ce soit avec les acteurs internes de l’entreprise – salariés, représentants du personnel – ou externes – institutions européennes, gouvernement, ONG, associations…

Je me suis rapidement convaincue que le dialogue social est un outil remarquable pour créer un climat de confiance, aligner les efforts des salariés aux objectifs de l’entreprise et gérer les évolutions nécessaires de l’entreprise efficacement en évitant ou limitant les conflits. Un dialogue social riche constitue sans aucun doute un levier de performance pour l’entreprise. Il implique nécessairement une écoute, la recherche de solutions équilibrées et le respect des engagements pris. S’il était encore besoin d’en démontrer l’utilité, on l’a vu pendant la crise du covid à quel point le dialogue social dans l’entreprise ou au niveau des branches est indispensable pour gérer les situations exceptionnelles.

Y-a-t-il des faits marquants, des réalisations dont vous êtes particulièrement fière  ?

Il y en a plusieurs mais j’en choisirai deux illustrant des expériences très différentes.

Lorsque j’étais Responsable des relations sociales internationales pour ce groupe industriel, j’ai négocié un accord cadre mondial en 2005 sur la RSE et les relations sociales internationales qui fut le premier accord conclu dans le secteur ; contre toute attente, le plus difficile ne fut pas la négociation du texte avec la fédération syndicale internationale du secteur, avec laquelle nous avions développé une relation de confiance, mais l’acceptation d’un tel projet d’accord par la filiale américaine du groupe : elle considérait qu’elle devait être exclue de son champ d’application car elle n’était pas tenue par les conventions fondamentales de l’OIT. Après de nombreux mois de discussions intenses, la négociation fut conclusive.

Depuis que je travaille au Medef ce sont les négociations de déclarations ou de normes internationales du travail qui m’ont marquée. L’OIT est une organisation internationale ayant une gouvernance tripartite où je siège en tant que membre titulaire au CA, dans le groupe employeur, représentant les entreprises françaises ; je participe également à la Conférence internationale du travail chaque année en juin. En juin 2018 lorsque je suis entrée dans la salle de négociation du Palais des nations à Genève pour négocier le projet de norme (la Convention 190 sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail), au milieu de plus de 300 personnes de plus de 100 États, et entendu la teneur des débats, jamais je n’aurais imaginé une conclusion positive possible ; le processus a été difficile mais cela donne une valeur exceptionnelle au résultat final et j’espère que la Convention sera largement ratifiée et mise en œuvre par les États membres pour qu’elle ait un réel impact dans les entreprises.

Faire émerger un compromis à partir d’intérêts divergents, c’est ce qui me motive et c’est très valorisant ! C’est une réussite collective et j’apprécie cette dimension ; il faut beaucoup de patience, surtout à l’OIT, et bien sûr une dose d’humilité.

Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Le MEDEF étant un acteur clé du dialogue social, il était naturel de rejoindre l’association Réalités du dialogue social qui le promeut et le valorise à travers des rencontres et des débats d’idées ; j’aime beaucoup confronter les points de vue et les pratiques dans le cadre d’échanges constructifs et je retrouve dans votre association beaucoup de professionnels compétents et engagés.

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social

Difficile d’en citer un seul car j’ai la chance de faire partie de deux jurys qui me permettent d’avoir un regard ouvert sur le monde du travail en découvrant des œuvres littéraires et artistiques qui traitent de ce sujet.

Dans le cadre de mon mandat de représentante au CA de l’OIT, j’ai accepté d’être membre du jury du Prix France-OIT du Festival “Filmer le travail” :  j’ai particulièrement aimé le laureat  2023 “Todas por uma”, un film de Jeanne Dosse, qui suit le processus de création artistique de la pièce “As Comadres”, au Brésil, sous la supervision d’Ariane Mnouchkine.

Je recommande également les romans sélectionnés pour le “Prix du roman d’entreprise et du travail” dont le jury -auquel je participe- est composé de personnes issues d’un large spectre du monde du travail (organisations syndicales et patronales, journalistes, auteurs, éditeurs, acteurs du dialogue social).

Mais j’aimerais citer un coup de cœur plus personnel qui est le roman Mecano, de Mattia Filice publié en 2023 et qui développe une vision poétique du métier de conducteur de train : pour un premier roman, c’est vraiment une réussite !





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