Christian Pellet, président de Sextant Expertise

 

Trop souvent le dialogue social est considéré comme un luxe inutile.                            

 

 

Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

J’ai découvert les relations sociales par hasard. Ma formation ne me prédestinait pas à exercer ce métier et me conduisait plutôt de l’autre côté, parmi les membres de la direction puisque je suis diplômé d’HEC. Je cherchais un métier qui avait du sens, et utiliser mes compétences pour prodiguer des conseils aux représentants du personnel me paraissait contribuer au fonctionnement de la démocratie sociale et au rééquilibrage des positions dans les négociations. Les relations sociales se sont avérées passionnantes, ça fait maintenant 28 ans que je travaille dans ce domaine.

 

Quel regard portez-vous sur le dialogue social depuis le début de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ?

J’ai une vision du dialogue social à la française qui n’est pas que positive. Je considère que la France n’est pas le pays européen le plus avancé en la matière. Nous sommes encore très immatures, du côté patronal comme syndical. Contrairement aux pays d’Europe centrale ou orientale ou encore les pays du Nord, nous n’avons pas la même capacité à trouver des compromis.  Nous n’avons pas mis, non plus, en place, une gouvernance dans les entreprises qui soit ouverte à des parties prenantes comme les salariés. Nous sommes très marqués par notre culture autoritaire et centralisatrice. Ces dernières années, les réformes se sont mises en place avec peu de dialogue, sans négociation. Cela provoque un déséquilibre, à l’avantage des entreprises. Pourtant, il y a quand même dans notre pays, des organisations syndicales qui pratiquent la négociation et qui ne sont pas figées dans des postures idéologiques.

Trop souvent le dialogue social est considéré comme un luxe inutile : « c’est bien lorsque l’on a le temps et l’argent, mais sinon, c’est mieux de s’en passer ». Les formes de management élitistes, exclusivement centrées sur la satisfaction des actionnaires, font des dégâts importants sur la motivation des salariés. Si aujourd’hui beaucoup de jeunes ne se projettent plus dans les grandes entreprises, c’est en partie pour cette raison.

Depuis le début de la pandémie covid-19, je constate des signaux positifs, certes faibles mais qui demandent à être confirmés : en plein cœur de la crise, le gouvernement a régulièrement demandé l’avis des organisations syndicales même si beaucoup de décisions ont été prises par ordonnance. On sent qu’il y a une réflexion du gouvernement sur un certain nombre de réformes comme l’assurance chômage ou les retraites. Mais, il devra fournir des indications claires sur sa façon de rééquilibrer les choses pour endiguer la déception et la méfiance des organisations syndicales, et ne pas désenchanter un peu plus les salariés, surtout avec la crise qui s’annonce.

 

Vous êtes adhérent de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Je reste motivé par l’idée de faire progresser le dialogue social. Il faut continuer à porter une parole, à mener des projets qui font comprendre l’intérêt qu’on a, pour notre économie mais aussi pour notre société, de s’écouter les uns les autres, d’accepter des points de vue différents, légitimes, même s’ils sont difficiles à articuler entre eux. C’est comme ça que l’on peut trouver des solutions intelligentes.

Le dialogue social est important car il permet de créer de la transparence, de rassembler des personnes aux enjeux et intérêts différents, de fédérer les énergies. Ce sont des valeurs extrêmement positives. Egalement, cela fait sens en termes d’efficacité économique et de fonctionnement de notre société. Si cette dernière est réduite à des camps qui se méprisent mutuellement et qui ne dialoguent pas sincèrement, les extrêmes vont prospérer. Le dialogue social lorsqu’il fonctionne bien produit un mieux vivre ensemble.

Dans ce cadre là, je suis sensible depuis les débuts aux projets de Réalités du dialogue social qui vont dans ce sens. Personnellement, l’association me permet d’accéder à de l’information, à des propos tenus par les uns ou les autres et éventuellement en fonction des projets de l’association de contribuer à la génération d’idées.

 
Avez-vous vu un film ou lu un livre que vous recommanderiez à la communauté Réalités du dialogue social ?

Miss Islande de l’écrivaine islandaise Auður Ava Ólafsdóttir. J’ai apprécié le côté humoristique, décalé, très féministe aussi, de cette auteure, son regard sur les choses qui est toujours étonné, distancié, singulier. Et puis il y a aussi tout l’exotisme que peut avoir un pays comme l’Islande. C’est une autre forme de dialogue, avec d’autres cultures.

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