Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe ALPHA

« Là où le dialogue était de qualité, les solutions ont été pragmatiques et efficaces »

Qu’est-ce qui vous a amenée à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Mes convictions et mes apports de conseils en matière de politiques publiques de l’emploi ou de la formation professionnelle sont le fruit de mes expériences professionnelles vécues au plus près des salariés et des acteurs de l’entreprise.

J’ai rejoint le Groupe ALPHA en 2008 en pleine crise économique et financière en dirigeant les activités de transitions professionnelles, individuelles ou collectives. Cette période a permis de contribuer utilement et, dès 2010, à l’élaboration du contrat de sécurisation professionnelle en France, réel pare-feu pour les salariés impactés par les restructurations d’entreprise.

L’évolution intense des technologies, comme de la robotique, a également transformé le besoin en compétences des organisations. Ceci m’a amenée à reconsidérer cet enjeu essentiel en recherchant à doter le plus grand nombre de personnes d’un passeport compétences leur permettant de trouver leur place dans un monde en pleine mutation. Du rapport « Un capital emploi-formation pour tous » au ministère du Travail, inspirant la réforme de 2018, j’ai œuvré à la stratégie et à la mise en place du plan d’investissement dans les compétences, doté de 15 Mds d’euros, pour les personnes pas ou peu qualifiées et les jeunes. J’ai également déployé en 2018 la mise en place du nouveau CPF monétisé en m’appuyant sur la Caisse des Dépôts et des Consignations.

Face à l’accumulation des défis économiques, sociaux et environnementaux, dans une société de plus en plus fragmentée, chercher à rassembler les parties prenantes des organisations m’apparaît être un enjeu chaque jour de plus en plus crucial. J’ai donc de nouveau rejoint Pierre Ferracci à la DG du Groupe ALPHA en pleine crise sanitaire, avec, pour ambition, le souhait de contribuer à un dialogue social vertueux, constructif et équilibré.

Quel regard portez-vous sur le dialogue social depuis le début de la crise provoquée par la pandémie de covid-19 ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ?

La crise sanitaire a incontestablement démontré que les directions d’entreprise comme les représentants du personnel étaient en capacité de trouver les solutions les plus adaptées à l’urgence de cette crise. Cela a revigoré, sur la forme, le dialogue social dans ces organisations. Bien sûr, ces choix se sont opérés sous contraintes d’une crise redoutable mais, là où le dialogue était de qualité, les solutions ont été pragmatiques et efficaces. Déployer dans des temps record des protocoles sanitaires à répétition ou revisiter les organisations du travail incluant le télétravail a été possible grâce à une impérieuse nécessité de négocier et d’opérer des transformations permettant de préserver tant la sécurité des salariés que celle, économique, de l’entreprise, là où c’était possible. Je regrette toutefois que les ordonnances de 2017 aient affaibli les prérogatives des CSE au moment où les enjeux de santé restent, encore aujourd’hui, une préoccupation majeure. Il faudra probablement revisiter ce volet et les modalités d’intervention des CSE sur ce champ, tant leurs impacts seront durables et profonds.

Les évolutions éclair des organisations du travail ont repensé des collectifs de travail à certains endroits mais les ont heurtés à d’autres. De façon sournoise, le télétravail peut avoir aussi des conséquences sur le bien-être de salariés. Or, on voit bien que ce sujet est bien plus difficile à appréhender et que ses impacts ne s’analysent que sur des temps longs. Le dialogue social doit maintenir sa pleine intention sur ces thèmes et au long cours.

Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

C’est, selon moi, un préalable, car l’adhésion à un cénacle de la qualité de Réalités du dialogue social est synonyme d’intelligence collective, de rencontres, d’échanges et de débats constructifs pour promouvoir le dialogue social. C’est un socle indispensable à l’émergence de nouvelles idées, d’avancées sociales. En tant que membre de l’association, j’assiste aux débats, j’échange avec les autres membres, je suis particulièrement intéressée par la confrontation de points de vue. Je trouve que c’est vivifiant, notamment pour nos travaux en tant que cabinet conseil œuvrant dans le champ des relations sociales. A mes yeux, cela fait incroyablement sens avec notre credo de l’architecte du vivre ensemble dans l’entreprise et auprès des acteurs publics !

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?

Oui, je lui recommande le dernier Guide du Routard qui est un guide de l’élu du CSE, aussi pertinent et pratico-pratique pour les DRH que pour les élus, aux éditions Hachette. Ce guide a été co-écrit à plusieurs mains par des experts et des avocats, des femmes et des hommes de terrain du Groupe Alpha comme d’Atlantes. C’est une belle invitation au voyage de l’engagement, à travers des expériences concrètes d’élus, représentants du personnel.



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