Le dialogue social territorial vu par …

Fabienne DEROZIER, responsable de l’unité appui au dialogue social de la DIRECCTE Grand Est, au pôle travail

La DIRECCTE Grand Est a proposé aux partenaires sociaux de réaliser un guide sur le dialogue social territorial. Que recherchiez-vous et quelles conclusions en tirez-vous ? 

Il faut rappeler le contexte dans lequel nous avons souhaité réaliser ce guide. Nous sortions d’une période de réforme territoriale avec des réorganisations des Régions, qui impactait donc, des institutions, des services de l’État et des partenaires sociaux. Dans cet environnement, il s’agissait de donner plus de lisibilité et de connaissance des organisations nouvelles, des acteurs notamment  sur leur  gouvernance à venir dans le Grand Est.

Par ailleurs, nous constatons que le dialogue social territorial et les acteurs qui participent aux politiques interprofessionnelles, de branches, parfois en interaction avec les politiques publiques demeure insuffisamment connu. Nous avions déjà mené en Champagne-Ardenne ce travail pour faire connaître le dialogue social territorial, sa richesse, ses instances et créé un guide pratique avec les coordonnées des acteurs et  permettre de les solliciter en cas de besoin.

Depuis plusieurs années, nous rencontrons régulièrement les partenaires sociaux avec lesquels nous partageons nos objectifs, nos priorités et les résultats sur la politique menée en région par les services de l’inspection du travail. Nous leur avons donc proposé cette démarche de guide pour donner de la visibilité commune au dialogue social et le valoriser sur le Grand Est. Ils ont répondu favorablement au projet. De toutes les façons, nous n’aurions pas pu le faire sans l’engagement et la validation des partenaires sociaux. Nous nous sommes donc mis autour de de la table pour savoir quelles instances paritaires présenter qu’elles œuvrent dans la sphère du travail ou dans le champ des politiques de l’emploi et de l’insertion. Dans cette dynamique, nous avons produit un annuaire territorial partagé, libre de droit, sur internet.

Nous avons convenu de mettre à jour et enrichir cet outil régulièrement. Toutes les instances ne sont pas encore recensées mais le principe demeure de diffuser l’information sur la base du volontariat. Globalement, c’est un projet actif mais pas assez connu. Après un an de fonctionnement, il faut se poser plus largement la question de son exploitation. Jusqu’alors, nous n’avions pas d’autres ambitions que de le faire connaitre auprès des entreprises et des salariés afin qu’ils puissent saisir ces instances, si besoin.

Ce guide a le mérite de mettre en lumière des acteurs qui travaillent sur des politiques communes de façon paritaire. La DIRECCTE se place en soutien des parties prenantes du dialogue social territorial et n’est pas là pour s’y substituer, notamment sur les dimensions d’information et d’appui juridique.

Ces acteurs, en particulier au niveau des Observatoires départementaux d’appui au dialogue social (10 départements, soit une cinquantaine de réunions par an pour la Région), essaient d’agir sur des sujets d’actualité comme la mise en place du Comité Social Économique (CSE), les négociations sur l’égalité professionnelle et de tirer un bilan des accords sur des thématiques particulières dont se saisissent les entreprises en région pour voir comment faire évoluer ce dialogue social qui reste à la main des entreprises.

Que pouvez-vous dire de la vigueur du dialogue social dans votre région d’autant plus depuis les ordonnances Travail qui visent à faciliter la conclusion d’accords collectifs dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Constatez-vous une évolution du dialogue social dans les TPE-PME sur votre territoire ?

Au niveau de la DIRECCTE, nous constatons un développement global de l’activité de négociation en 2019 par rapport à 2018. Est-ce un effet  à mettre en relation avec les ordonnances, le renouvellement d’accords pluriannuels ? L’enregistrement des accords, avenants permet d’observer une progression importante des accords en région sur l’égalité professionnelle/ QVT, le thème global de la rémunération/durée et aménagement de travail et aussi sur l’intéressement et la participation dans  les TPE, ainsi qu’un effet positif sur les accords ou décisions unilatérales en corrélation avec la prime pour le pouvoir d’achat instauré en 2019.

Je suis par ailleurs intervenue en juillet dernier dans votre association à Reims pour présenter les résultats d’une étude sur ces accords de droit à la déconnexion, réalisé par l’Institut du Travail de l’Université de Strasbourg[1].

S’agissant des accords de mise en place des CSE, il est encore trop tôt pour un suivi statistique dès lors que cette obligation avait pour échéance le 31 décembre 2019. L’année dernière a été consacrée, par les services du travail associés aux partenaires sociaux, à informer les entreprises sur la mise en place de cette nouvelle instance en organisant des matinées d’information et en leur envoyant directement des courriers.

Les entreprises ont besoin d’être accompagnées, en particulier pour négocier de façon pratique des accords « vivants » et pas seulement pour répondre à leurs obligations. Elles disposent d’outils d’information sur leurs obligations de négociation mais pas nécessairement le « mode d’emploi » sur le « comment on négocie ». Comme je l’ai expliqué précédemment, cet appui pourrait être davantage encouragé par les différentes instances du dialogue social territorial et de branches.

Toutefois, la fonction des services d’inspection du travail ne se résume pas à celle de contrôle. Nous jouons aussi un rôle d’information, de conseil et d’alerte en lien direct avec ces instances et les représentants des entreprises.

En ce moment, par exemple, les services du travail interviennent beaucoup sur l’obligation de publication de l’index sur l’égalité professionnelle et les liens possibles avec la négociation d’accords ou plans d’actions en matière d’égalité professionnelle, via nos référents dans les unités départementales qui organisent des réunions d’information directement ou avec des partenaires sur ce sujet.

Comme partout, le dialogue social dans les entreprises de la région reste encore à développer. Les outils existent mais ne sont pas suffisamment connus, tel le referendum. Et dans le cadre d’une négociation gagnant-gagnant, dialogue social ne signifie pas être en opposition mais construire ensemble avec des points de vue qui peuvent être divergents.

Selon vous, le territoire a-t-il un rôle à jouer pour favoriser le dialogue social en France ? De quelle façon ?

Je crois que l’objet du territoire est d’associer les acteurs. Il importe d’unir les forces car le dialogue social territorial est plus en proximité.

Le territoire facilite la diffusion des pratiques, les échanges d’information pour agir sur les politiques et la concertation sur des problématiques telles que santé-sécurité et la qualité de l’emploi et de vie au travail.

Plus globalement, je pense qu’il faut apprendre à dialoguer autrement. Le dialogue social, c’est apprendre à s’écouter, faire des compromis et agir pour le bien des salariés et des entreprises.

 

Pour en savoir plus :

  • Le dialogue social territorial Grand Est : instances et acteurs du dialogue social. Décembre 2018 – mise à jour octobre 2019. Téléchargez.
  • Négocier la déconnexion : analyse des accords déconnexion dans la Région Grand Est. Institut du Travail de l’Université de Strasbourg. Rapport de recherche pour la DIRECCTE Grand Est. Juillet 2019. Téléchargez.

 

[1] Cf. Droit à la déconnexion : premières réflexions. Cercle d’échanges le 10/07/2019, Reims.



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