Pierre Burban, secrétaire général de l’U2P

« Qui mieux que les partenaires sociaux connaît le monde du travail ?  »

Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Le hasard ! Mais je m’y plais pour ne pas dire que je m’y complais !

J’ai étudié le droit et j’étais destiné à devenir haut fonctionnaire ; ce sont les circonstances qui m’ont conduit à m’occuper d’entreprises, en particulier des plus petites car j’ai débuté ma carrière dans une structure consulaire dédiée à l’artisanat et j’ai par la suite intégré une organisation patronale.

Travailler dans le domaine du dialogue social correspond à mes aspirations car je suis convaincu qu’une démocratie moderne ne peut pas fonctionner sans les partenaires sociaux. Je pense qu’un système politique a besoin, pour sa respiration, d’un partage entre les institutions incarnées par les représentants élus de la nation et les corps intermédiaires que sont les représentants des entreprises et des salariés. Consulter ces derniers permet d’établir des compromis, que je définis comme le fait pour deux parties qui pourraient avoir des intérêts opposés de rechercher une voie commune pour le bien collectif.

Quel regard portez-vous sur le dialogue social et sur son rôle dans la gestion des crises diverses (sanitaire, géopolitique, économique…) ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ?

Si l’on prend des exemples passés, qui mieux que les partenaires sociaux connaît le monde du travail ?

  • Les CDD ont fait l’objet de joutes politiques et ce dispositif a pu être consolidé grâce à des négociations entre partenaires sociaux. Si l’on veut stabiliser les règles et donner aux entreprises la visibilité dont elles ont besoin, la négociation est la meilleure des voies.
  • Lorsque la réforme des 35 heures a été mise en place, il y a eu des controverses au Parlement sur les temps d’habillage et de déshabillage. Pourtant, ce sujet n’aurait jamais dû être traité au niveau de la représentation parlementaire car cette question ne se pose pas au niveau interprofessionnel mais en fonction des métiers exercés et donc des branches professionnelles, voire de l’entreprise.

Un autre élément qui renforce l’idée qu’il faut renvoyer au dialogue social tous les sujets qui peuvent en relever, c’est la crise des Gilets jaunes. Si nous avions eu de meilleures concertations et s’il y avait eu un renvoi plus systèmatique aux partenaires sociaux, nous n’en serions pas arrivés à ce stade.

Il est vrai que le temps politique n’est pas le même que celui du paritarisme, le dialogue social demande un certain temps, beaucoup de discussions, d’échanges car il faut se comprendre. Ainsi, « faire du dialogue social », c’est parler la même langue, voir la même réalité, sans biais. C’est d’ailleurs un des avantages de renvoyer des sujets à la négociation ; la loi peut fixer un cadre mais dans la pratique, il y a l’interprofession et les branches pour adapter les règles.

Lors du 1er quinquennat d’Emmanuel Macron, les partenaires sociaux ont plutôt été maltraités, la crise sanitaire a permis de mettre en avant l’utilité des corps intermédiaires et en particulier des représentants des entreprises et des salariés. Dès mars 2020, lors du premier confinement, il y a eu un travail régulier entre les organisations patronales et Bercy afin que le gouvernement ait des remontées du terrain et qu’il soit possible d’agir pour accompagner les entreprises et leurs collaborateurs. Nous avions le Ministère de l’Économie et des Finances mais aussi celui du Travail plusieurs fois par semaine en visioconférence. Si cela ne s’était pas fait comme cela, l’acceptation par les entreprises et les salariés auraient été moindre. En effet, ce sont les organisations patronales qui ont éteint les incendies. Par exemple, lorsque le gouvernemnt a mis en place l’activité partielle, les dispositifs de gestion informatique n’ont pas pu endiguer l’afflux de demandes (jusqu’à 11 millions de salariés). Il y a eu une complémentarité exemplaire entre nos organisations, les ministères, les cabinets ministériels et les directions d’administration centrale concernées… A chaque fois que l’U2P faisait remonter un bug, celui-ci était rapidement traité. Si nous n’avions pas travaillé main dans la main, le climat social se serait tendu.

En parallèle, les partenaires sociaux ont continué à assurer la négociation par exemple avec la signature d’un accord national interprofessionnel sur le télétravail pour accompagner et sécuriser les entreprises et leurs salariés. Enfin, nous avons mis en place un agenda social autonome afin de s’approprier des sujets sans que l’Etat ne nous demande d’agir.

On sent, depuis quelques temps, un changement de méthode qui s’incarne dans le Conseil National de la Refondation (CNR) avec de nombreux chantiers ouverts (numérique, vieillissement, transition écologique,…). Pourvu que cela continue.

Vous êtes adhérent de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Nous sommes la première organisation, côté patronal, à avoir adhéré à Réalités du dialogue social. Historiquement, l’association regroupait plutôt des DRH avec un certain nombre de syndicats de salariés et était plutôt tournée vers les grandes entreprises. Or, aujourd’hui, 98 % des entreprises françaises ont moins de 50 salariés et près de la moitié des actifs travaille dans des structures dont l’effectif est inférieur à 50 salariés. Il y a une volonté de la part de Réalités du dialogue social de ne pas intéragir uniquement avec les plus grandes entreprises. Dernièrement, nous avons préparer un accord sur le paritarisme de gestion et de négociation, et nous avons repris le document « Mandat scop » élaboré par Réalités du dialogue social. Il nous a été très utile.

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?

Je suis passioné d’histoire et je viens de lire « L’intrigant : nouvelles révélations sur Louis XVI » d’Aurore Chery. Ce livre déconstruit l’image souvent apathique que l’on peut avoir de ce roi pour mettre en avant un souverain aux idées avant-gardistes et à la personnalité dérangeante.



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