Rachel Brishoual, Secrétaire nationale Europe, International, Logement – UNSA

« Le dialogue social doit être évalué en tant que critère de performance, à tous les niveaux, y compris européen. »

Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Des valeurs de justice sociale et d’humanité transmises par mes parents et la défense des autres chevillée au corps depuis l’école primaire. Représenter les élèves de sa classe, prendre leur défense en conseil de classe et accompagner ses camarades, notamment pour essayer de transformer les échecs et les difficultés en atouts, m’a semblé évident et naturel.

Plus tard, une orientation choisie en Histoire de l’art et une entrée dans le monde de la culture auraient pu m’éloigner des humains en me rapprochant des œuvres, mais naturellement, très vite, je me suis engagée syndicalement pour l’intérêt général des salariés à l’occasion d’une négociation en vue d’un accord sur les 35h en 1999.

Pour répondre au mieux aux attentes des salariés et être à la hauteur en négociation, je me suis formée en droit social collectif et individuel. Car dans l’entreprise, être représentant du personnel, c’est aussi accompagner individuellement les salariés dans leurs difficultés personnelles qui impactent leur vie professionnelle et dans leurs situations professionnelles, l’objectif étant de ne laisser personne de côté et de permettre à chacun de trouver sa place au sein du collectif.

Puis l’occasion m’a été donnée d’œuvrer au niveau fédéral, de celui de la branche, de l’institutionnel avec le Conseil économique, social et environnemental, et aujourd’hui aux échelons national et européen. Il y a tant à faire et à découvrir pour agir sur tous les leviers au profit du mieux-être dans sa vie professionnelle et du bien vivre en société.

Tout ça pour dire que les relations sociales, je ne m’y destinais pas mais il faut croire que c’était ancré en moi.

Quel regard portez-vous sur le dialogue social et sur son rôle dans la gestion des crises diverses (sanitaire, géopolitique, économique…) ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir ?

Le dialogue social est une nécessité pour travailler et vivre ensemble, mais pour être efficace, il doit être partagé, respectueux, loyal et transparent. C’est loin d’être le cas partout. Le dialogue social est encore trop souvent vu et vécu comme un lieu de confrontations et d’oppositions qui apporte peu aujourd’hui.

Au cœur de la crise sanitaire, qui a mis l’économie à l’arrêt et assigné les citoyens à résidence, les partenaires sociaux ont su réagir rapidement et efficacement, pour la plupart, pour assurer la continuité du dialogue social et apporter des solutions aux diverses situations de travail. En revanche, les salariés des TPE aux métiers non télétravaillables, eux, ont souffert : pas d’informations, angoisse quant au chômage partiel et à leur salaire, aucune prise en charge, pas même un appel de leur employeur bien souvent. Si une forme de représentation syndicale, issue des élections TPE, existe, elle est éloignée du salarié.

Dans les situations de crises économiques, comme celle que nous vivons en ce moment, le dialogue social doit, plus que jamais, être partagé et transparent, la stratégie et les objectifs de l’entreprise devant être expliqués et justifiés au risque que le décalage entre les gains des uns (profits et bénéfices) et les pertes des autres (pouvoir d’achat) ne génère que de la méfiance et de la défiance et que ce soit irréversible.

Si le télétravail et les réunions en distanciel ont permis le maintien de l’activité pendant les confinements, leurs usages doivent être encadrés et limités. Dans un collectif de travail et le dialogue social, rien ne remplacera les échanges directs et informels. 

Le dialogue social est un levier de performance, qui doit être évalué en tant que critère de performance, à tous les niveaux, y compris européen. A l’UNSA, nous militons pour intégrer ce critère dans le Semestre européen. Si les entreprises et les Etats devaient être amenés à devoir évaluer la performance de leur dialogue social et à en proposer des dispositifs d’amélioration, l’utilité et l’efficacité du dialogue social s’en verraient renforcées.

Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Quand on est convaincu du rôle et de la place du dialogue social pour le vivre ensemble et la cohésion sociale, partager les points de vue, comparer les pratiques, confronter les constats, les résultats et les idées, réfléchir ensemble, débattre en dehors du jeu de la négociation et des postures habituelles sont nécessaires pour créer de l’intelligence collective au profit de la justice et du progrès social.

Démontrer l’utilité du dialogue social par l’exemple et le témoignage au plus près du terrain et diffuser la culture du dialogue social, qui réconcilie des partenaires aux objectifs divergents et fait primer l’intérêt général sans oublier les individualités, sont essentiels, et l’association Réalités du dialogue social y participe.

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?

Le récit de voyage L’usure d’un monde de François-Henri Désérable, en hommage à L’usage du monde de Nicolas Bouvier. Parti fin 2022 en Iran sur les traces de Nicolas Bouvier 70 ans après, il trouve un pays tout à la fois meurtri, révolté, apeuré et fortement réprimé. Il finira par être sommé de quitter le pays sans retour possible, ayant frôlé les terribles geôles iraniennes. Et l’envie de lire ou relire L’usage du monde et la traversée des Balkans, de l’Anatolie, de l’Iran et de l’Afghanistan de Nicolas Bouvier en 1953.

Représentant l’UNSA dans le collectif syndical de défense des travailleurs iraniens et ayant voyagé en Iran en 2019, ce que vivent les iraniens, et encore plus les iraniennes, me touche particulièrement et m’indigne.



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