LE DIALOGUE SOCIAL EST BIEN VIVANT ! – Expression collective

La crise sanitaire, économique et sociale provoquée par la pandémie de covid-19 révèle, dans beaucoup de secteurs, un dialogue social actif, agile et responsable en France.

Selon les informations recueillies par Réalités du dialogue social auprès de ses adhérents, les acteurs sociaux se sont mis en ordre de marche sans délai, dans les entreprises en premier lieu, pour assurer la santé et la sécurité des collaborateurs toujours sur les sites et organiser l’activité en télétravail ou les arrêts. Au fil des semaines, ils ont structuré leurs modes d’interactions, la tenue des instances de représentation du personnel et ont négocié, signé des accords dans un cadre inédit. Ils réaffirment, de fait, le dialogue social comme un élément facilitateur, acteur de la recherche de solutions, nécessaire au fonctionnement des entreprises et à leur adaptation au contexte nouveau.

Cette dynamique de négociation reste incontournable pour préparer la sortie du confinement et éviter une seconde vague de l’épidémie. L’enjeu est de repenser les postes de travail, les horaires et l’organisation ou encore de revoir certains circuits… L’exposition à la contamination est liée aux comportements qui dépendent largement des régulations collectives. C’est sur ces aspects que devrait s’orienter le dialogue social tout comme traiter des formations nécessaires, des conséquences de l’isolement, des sur-sollicitations qui ont pu être occasionnées par le télétravail…

La priorité est aussi de faire perdurer une qualité relationnelle entre les partenaires sociaux et de ne pas trahir la confiance installée ou consolidée pendant cette période.

Un dialogue stimulé et resserré

En mode « gestion de crise », les relations entre représentants des salariés et direction se sont densifiées, avec une accélération du rythme d’informations et de consultations. Des échanges quasi-quotidiens ont permis de désamorcer des tensions et de faire remonter des problèmes terrain. Dans les PME, lorsqu’il n’y a pas de syndicats, beaucoup de temps est consacré aux échanges avec les salariés.

Instauration de réunions très fréquentes et, bien sûr, à distance, les différentes parties prenantes s’étant familiarisées avec les outils numériques jusqu’alors utilisés avec parcimonie[1]. Les instances fonctionnent quasi-normalement mais les ordres du jour sont centrés sur la catastrophe sanitaire. Chez Toyota, les réunions de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) sont conduites deux fois par jour. Chez Class Tractor, le comité social économique (CSE) a lieu chaque semaine et une réunion de CSSCT s’est déroulée chaque jour sur le même sujet.

Une fois les conditions techniques résolues pour se réunir, les partenaires sociaux sont vite arrivés sur le terrain de la négociation. Dans les branches, dès le début du confinement, certains secteurs dits essentiels comme l’agroalimentaire ont négocié des guides de bonnes pratiques sur la santé et la sécurité des salariés au travail. Les branches de la métallurgie et du recyclage ont été les premières à s’accorder sur un texte sur les mesures dérogatoires en matière de congés payés.

Dans les entreprises, la négociation collective est aussi dynamique avec la signature de nombreux accords sur l’activité partielle et le maintien des salaires avec, pour toile de fond, la protection de la santé des salariés. Chez PSA et Renault par exemple, les partenaires sociaux ont créé des fonds de solidarité, pour que tous les salariés en chômage partiel perçoivent 100 % de leurs revenus, grâce à une solidarité entre cadres et autres catégories professionnelles, mais aussi à un abondement des entreprises.

Le dialogue social est jugé primordial au point que les interlocuteurs des institutions représentatives changent parfois. C’est ainsi que chez Dassault, le PDG a lui-même présidé le CSE central pour aboutir à un accord d’accompagnement de l’activité partielle ou encore chez Orange où le PDG fait des points réguliers avec les représentants du personnel.

La réaffirmation de l’importance des corps intermédiaires

Les relations entre partenaires sociaux ont gagné en vitesse et en intensité. Pour autant, cette priorisation donnée au dialogue ne garantit en rien sa qualité et sa production. Certaines pleinières quotidiennes « servent de tribunes aux revendications [2]» tandis que des directions sont jugées « débridées » dans la prise de mesures, notamment sur la durée de travail, compte tenu des dispositions des ordonnances adoptées fin mars.

La nature des échanges entre partenaires sociaux qui apparaît au grand jour est le plus souvent le fruit de relations entretenues précédemment. Les directions d’entreprises qui mettent en œuvre un  dialogue social efficient en ces temps troublés sont celles qui ont su mettre à profit les liens déjà tissés avec les organisations syndicales. A contrario, il semble que les difficultés ou l’absence de dialogue dans les entreprises catalysent une détérioration du climat social. « Nous bénéficions de la culture sociale en temps de paix qui se révèle en temps de guerre ».

Cette crise conforte notre conviction que l’élaboration de solutions collectives ne peut se passer de la présence de corps intermédiaires.

Les organisations syndicales jouissent d’un regain de confiance. Sur le terrain, elles acquièrent davantage d’audience car les salariés, inquiets par l’instabilité de la situation, se tournent vers elles. A titre d’exemples, la CGT a mis en place, en région Auvergne-Rhône-Alpes, un numéro vert afin de répondre à leurs interrogations. Ce service a rapidement été saturé d’appels. FO a choisi de communiquer via des lives facebook vus plusieurs milliers de fois. A la CFDT, certaines fédérations ont élargi le lectorat de leur revue de presse interne afin de mieux informer leurs adhérents. À l’extérieur de l’entreprise, les partenaires sociaux sont également apparus comme des interlocuteurs réflexes, les syndicats de salariés comme les employeurs ayant particulièrement été sollicités par les journalistes qui étaient à la recherche d’informations dans une société confinée.

Cette période aura au moins démontré que le dialogue social constitue une réponse à une situation inattendue. Mais, cette agilité ne doit pas se traduire par un recul des droits sociaux. C’est pourquoi, alors que s’esquisse la sortie du confinement, il importe plus que jamais de co-construire les solutions de reprise progressive de l’activité et de s’en donner le temps suffisant.

Le dialogue social est bien vivant, empreint d’échanges qui se doivent d’être encouragés dans la durée, d’autant que de grandes questions de société sont devant nous, qui ont été posées à l’occasion de cette crise (place des services publics, utilité sociale de certains postes versus leur faible valorisation, transition écologique…). Ces débats ne pourront faire l’économie d’un dialogue social approfondi à tous les niveaux.

 

                  Les membres du Bureau de Réalités du dialogue social

 

 

[1] Voir notre étude « Impact du numérique sur le dialogue social », mars 2020.

[2] Cette citation et celles qui suivent sont issues d’entretiens avec des membres de l’association



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