Pendant le confinement, le dialogue social continue même à distance

Tribune de Maud STEPHAN, déléguée générale de Réalités du dialogue social publiée par Ouest-France.

 

Effet collatéral de l’épidémie de Covid-19 : les outils numériques jusqu’à présent sollicités exceptionnellement par les partenaires sociaux sont désormais incontournables : visio, confcall, voire groupe WhatsApp d’échanges d’informations entre les représentants du personnel et la direction ou entre militants syndicaux, consultation et avis du Comité social économique (CSE) en ligne, signature électronique d’accords…

Force est de constater que ce dialogue à distance s’est mis en place sans délai, quotidiennement et de manière informelle, dans un souci de rassurer sur la prise en compte de la santé et la sécurité des collaborateurs toujours sur les sites et de pallier l’éclatement géographique des équipes en télétravail. Dans certains cas, les délégués syndicaux comme les employeurs ont été surpris par l’efficacité de ces usages numériques. « Toutes les barrières psychologiques sautent » témoignait, il y a une semaine, le directeur des relations sociales d’une entreprise publique. « Le CSE par Skype : les élus écrivent leurs questions qui sont traitées dans l’ordre. C’est beaucoup plus fluide, plus efficace » affirmait le secrétaire de CSE d’un autre groupe.

Cet assouplissement du formalisme du dialogue social est repris par le ministère du Travail qui a délivré une synthèse juridique des 26 ordonnances sur son site internet. Un décret ministériel publié au journal officiel le 26 mars dernier est venu simplifier le processus de recours à l’activité partielle en autorisant la demande préalable a posteriori et en fixant un délai de 2 mois pour consulter le CSE et transmettre son avis à l’administration. Et le 1er avril, le ministère du Travail, tout en rappelant les règles, suggérait des solutions adaptées pour mener à distance, via la visioconférence ou l’audioconférence, des négociations en vue d’un accord collectif. Pour autant, les acteurs sociaux n’avaient pas attendu pour se saisir de la visioconférence ou plutôt l’audio pour des raisons techniques (bande passante insuffisante) et organisationnelle (éclatement territorial des élus du personnel restés à leur domicile).

Cette crise sanitaire éprouve les méthodes de travail, oblige à l’expérimentation car comme le révèle notre étude « Comment mettre le numérique au service du dialogue social dans les entreprises et la fonction publique ? » publiée en pleine période de confinement, nous n’en étions qu’aux balbutiements de la digitalisation des relations sociales : par méfiance et perplexité vis-à-vis des outils utilisés, par méconnaissance des potentialités offertes, par manque de formation, par conservatisme. Le passage à marche forcée à un dialogue social numérique va-t-il disparaître sitôt la crise passée pour revenir à la situation ex-ante ?

Rien n’est moins sûr. Certes, certains objets de dialogue social, parfois délicats, nécessitent de tenir des réunions en présentiel pour mieux percevoir les jeux d’acteurs. Il n’en reste pas moins que les usages numériques ont objectivement fait un bond en avant.

Pour autant, lorsque nous sortirons de cette période contrainte du tout – à – distance, il s’agira d’une part d’analyser ses conséquences sur la production et la qualité du dialogue social et, d’autre part de veiller à bien replacer le curseur entre relations digitalisées et l’indispensable dialogue de terrain.

Maud STÉPHAN, déléguée générale de Réalités du dialogue social

 



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