POINT DE VUE. Les salariés font entendre leur voix dans la gouvernance des entreprises

Tribune de Maud STÉPHAN, déléguée générale de Réalités du dialogue social et Brigitte WARTELLE, administratrice de l’association publiée dans Ouest-France le 09 octobre 2020.

La participation des salariés dans les instances de décision – Conseils d’administration ou de Surveillance – est légiférée en France pour le plus grand nombre d’entreprises mais elle est appréhendée sous l’angle quantitatif et non sous celui, qualitatif, selon Maud STÉPHAN, déléguée générale de Réalités du dialogue social et Brigitte WARTELLE, administratrice de l’association.

C’est un mandat très peu connu, complexe mais jugé passionnant que des femmes et des hommes choisissent d’exercer pour représenter les salariés de leur entreprise dans les Conseils d’administration ou de Surveillance. La présence d’administrateurs salariés (AS) dans les plus hautes instances de décision et de contrôle est une réalité pour un grand nombre d’entreprises en France (plus de 1 000 salariés (1) depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015) et vient d’être renforcée (2 AS dès 8 administrateurs, contre 12 auparavant, depuis la loi PACTE du 22 mai 2019). Pour autant, la législation appréhende les AS sous l’angle quantitatif et non sous celui, qualitatif, de leurs missions et de leurs apports. Or, le rôle de l’administrateur salarié mérite d’être mis en lumière.

Avant tout, il est important de souligner que son champ d’actions se distingue des prises de position revendicatives des autres catégories de représentation du personnel (élus, délégués…). L’AS ne défend pas une usine particulière ou des sites dans un pays spécifique mais est garant, au même titre que l’ensemble des administrateurs du Conseil, de l’intérêt social de l’entreprise, c’est-à-dire dans toutes ses dimensions et parties prenantes. Ce changement de posture, qui doit être accepté tant par le président que par les anciens collègues syndicaux, conditionne la qualité d’accueil de l’AS dans le Conseil et le déroulement de son mandat.

Ensuite, c’est par sa connaissance fine des métiers, du marché, des ressources du groupe que l’AS fonde sa légitimité et gagne la confiance des autres administrateurs. L’AS apporte en cela une réelle valeur ajoutée à cette instance de gouvernance et peut gagner ainsi en pouvoir d’influence sur les prises de décisions.

Connu et reconnu

Cependant, l’AS doit réussir un autre challenge pour lui permettre de porter au mieux la voix des salariés : participer aux Comités spécialisés qui approfondissent les sujets et préparent le Conseil. Force est de constater que certains AS restent exclus de ces comités, ce en dépit des recommandations du code Afep-Medef (2).

Enfin, pour que l’AS puisse jouer pleinement son rôle, il doit relever le double défi d’être connu et reconnu. Ce qui suppose une mobilisation collective afin de démultiplier les actions de sensibilisation à tous les niveaux : les dirigeants et administrateurs pour bénéficier au mieux des compétences et expertises des AS ; les managers de proximité pour intégrer les profils d’AS dans les équipes tout en leur donnant les moyens (temps, statut) d’exercer leur mandat ; les élus syndicaux pour mieux articuler les responsabilités respectives et jouer positivement sur le dialogue social et, enfin, les salariés qui sont conviés à voter pour un mandat dont ils ignorent l’objet, voire l’existence.

Car c’est là tout le paradoxe de représenter les salariés dans une instance, à l’issue d’un processus démocratique, sans créer véritablement de connexions, d’échanges avec eux. À l’avenir, l’AS devra donc pouvoir résoudre le dilemme d’établir une communication, encadrée, auprès de celles et ceux qui le désignent, sans remettre en cause l’exigence de confidentialité inhérente à son statut d’administrateur.

Pour retrouver cette tribune, cliquez ICI

1. 5 000 salariés en France et à l’étranger

2. Normes de gouvernance pour les entreprises élaborées par l’Afep et le Medef depuis 1995



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