Pour 69 % des étudiants, le dialogue social fonctionne mal en France

Pour la deuxième année consécutive, notre association a réalisé un sondage auprès des étudiants du supérieur afin de recueillir leur perception des relations sociales en France. Quel regard portent-ils sur les organisations syndicales ? Quelle importance est donnée au dialogue social et plus vastement aux relations sociales par les futurs managers ? Les considèrent-ils comme une composante de leur future fonction ? S’y sentent-ils formés ? Quel impact a eu le mouvement des Gilets jaunes sur la représentation syndicale ?

Bilan : une vision du dialogue social dégradée mais des organisations syndicales qui conservent leur légitimité tant au niveau national que de l’entreprise, le souhait d’une plus grande proximité entre les salariés et les syndicats, des relations sociales qui doivent s’adapter à des mutations ayant une résonance particulière chez la jeune génération et un manque criant de formation au dialogue social.

Retrouvez les 5 enseignements clés de l’enquête. 

Méthodologie :

  • Cible interrogée : étudiants issus de l’enseignement supérieur
  • Mode de recueil : questionnaire en ligne
  • Date de terrain : du 18 mars au 13 avril 2020 (début du confinement)
  • Modalités de diffusion : diffusion dans des universités et écoles (40 % des réponses) et communication sur divers groupes Facebook étudiants (60 % des réponses)

 

Profils des répondants :

  • 75 % des répondants ont un niveau d’études compris entre la licence et le master
  • Des domaines d’études diversifiés avec une prédominance des filières commerce et ingénieur
  • 60 % ont moins de 22 ans
  • 17 % d’entre eux sont engagés dans une association, une ONG, ou un syndicat

Diriez-vous que vous avez une connaissance du monde de l’entreprise?

 

  • 87 % des répondants ont réalisé un stage en entreprise
  • 70 % estiment bien connaître le fonctionnement d’une entreprise

 

 

 

 

1. Un constat sévère des jeunes sur le dialogue social mais avec un léger mieux par rapport à 2019

Les étudiants ont toujours une vision pessimiste du dialogue social en France puisque 69 % des sondés considèrent que celui-ci fonctionne mal, et même très mal pour 13 % d’entre eux. Cependant, il faut noter une amélioration de leur perception puisque cette proportion de répondants s’élevait à 85 % en 2019 dans un contexte marqué par le mouvement social des Gilets jaunes, né hors de tout cadre politique ou syndical. Un an après, les organisations syndicales ont particulièrement fait entendre leur voix lors de la réforme des retraites puis de la crise sanitaire.

2. Des actions revendicatives toujours considérées comme les fondements du dialogue social

Grève, droits, revendications, défense, protection… caractérisent le terme « syndicat » dans l’esprit des étudiants. Pour autant, 82 % des sondés n’assimilent pas la grève à un refus de dialogue contre 77 % en 2019. Le conflit n’est donc pas forcément source de blocage ; il apparaît plutôt comme un marqueur du dialogue social, considéré comme une tradition française puisqu’une très large majorité des sondés (92 %) estime que les salariés français font plus souvent grève que leurs homologues européens. Néanmoins, les étudiants ont conscience qu’il existe des modèles alternatifs et plébiscitent ceux avec des relations sociales basées sur le compromis : la Suède toujours en haut du podium, suivie de l’Allemagne.

3. Un effet Gilets jaunes paradoxal

Les Gilets jaunes se sont présentés en alternative aux organisations syndicales (OS) sans pour autant remettre en cause l’action et la légitimité de ces derniers. 64 % des étudiants interrogés ne pensent pas que les rassemblements citoyens (Gilets jaunes) soient plus efficaces que les syndicats. Preuve en est également : l’émergence de collectifs de désobéissance civile n’arrive qu’en 8ème position sur les 11 éléments de « transformations sociétales susceptibles d’affecter durablement les relations sociales ».

Les rassemblements citoyens (Gilets jaunes) sont plus efficaces que les syndicats.

En revanche, le phénomène Gilets jaunes semble avoir créé une source d’inspiration pour revisiter les modes d’actions. En un an, l’utilisation des réseaux sociaux pour « bâtir au mieux les relations sociales » est avancée par 18 % des sondés en 2020 contre 5 % en 2019. Un chiffre qui reste cependant insuffisant pour illustrer un nouveau vecteur décisif de relations sociales : les réunions entre la direction et les équipes restent privilégiées pour 86 % des interrogés.

4. Des syndicats davantage attendus sur le terrain de la protection des citoyens au travail que sur la conduite des relations sociales en entreprise

Cette légitimité syndicale se retrouve au niveau de l’entreprise : 74 % des sondés (contre 69 % en 2019) considèrent que « dans toute entreprise, on a besoin de syndicats » même quand les salariés entretiennent de bonnes relations sociales ou lorsqu’il existe un dialogue direct entre les managers et leurs collaborateurs.

Ils sont plus de 60 % à proposer de renforcer les espaces d’échanges entre syndicats et salariés. Les OS sont ainsi attendues sur une plus grande proximité avec ces derniers. Ils doivent, seulement pour une petite majorité (51 % des personnes interrogées), « s’occuper des salariés mais aussi de la stratégie d’entreprise ».

Quoi qu’il en soit, la conduite des relations sociales relève de l’employeur – à 39 % des DRH et 27 % des managers – suivi des salariés (13 %) puis des syndicats (11 %).

Pour 92 % des sondés, de bonnes relations sociales favorisent de meilleures conditions de travail et, pour 87 %, un climat social apaisé ; des facteurs prioritaires loin devant la sécurité de l’emploi (33 %).

Ce dernier chiffre, à première vue surprenant dans un contexte de crise sanitaire et économique, peut s’expliquer par les autres sujets de préoccupation des jeunes générations. En effet, les transformations sociétales telles que la recherche de sens et l’existence de formes de travail alternatives au salariat (entrepreneuriat, free-lance, indépendant), loin devant le creusement des inégalités et la transition écologique, sont pour plus d’un étudiant sur deux susceptibles d’affecter durablement les relations sociales. Même le facteur « contexte d’incertitude et accélération des changements », en pleine pandémie, ne rassemble que 37 % des sondés.

Selon ces futurs managers interrogés, pratiquer un syndicalisme de citoyens au travail (quel que soit leur statut, leurs conditions d’exercice) plutôt que de salariés reste clairement un enjeu lancé aux partenaires sociaux.

5. Les relations sociales estimées comme partie intégrante de la fonction managériale et pourtant négligées dans les parcours de formation

Pour 90 % des répondants, les relations sociales constituent un aspect prioritaire de leur future vie professionnelle. Cependant, les trois quarts des étudiants, toutes filières confondues, ne bénéficient pas de formation spécifique sur ce sujet. En conséquence, seulement 48 % d’entre eux se sentent préparés à traiter des relations sociales dans leur futur rôle de managers. S’y former est, de ce fait, jugé non seulement utile mais requis, en premier lieu, auprès des entreprises dans les parcours d’intégration (pour 63 % des étudiants). Pour autant, 53 % d’entre eux souhaitent être familiarisés aux relations sociales durant les études supérieures et 40 % dans le secondaire en cours d’enseignement moral et civique.

Ces résultats valident la démarche de sensibilisation au dialogue social dans laquelle l’association s’investit depuis plusieurs années.



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