Redonner à l’Europe sociale toute sa voix

Tribune de Patrick BEZIER, Président de Réalités du dialogue social et de Maud STEPHAN, Déléguée générale, publiée par Ouest-France, le 20 mai 2019.

L’avenir de l’Europe est entre nos mains. Au mois de mai, les citoyens européens sont invités à se prononcer pour élire leurs représentants. Il nous appartient de dessiner l’Europe que nous voulons. Entre les enjeux économiques, fiscaux, sécuritaires ou encore environnementaux, la palette ne manque pas de couleurs. Pourtant esquissée au commencement de la construction européenne, la dimension sociale de l’Europe peine à s’affirmer. Si la proclamation du socle européen des droits sociaux, lors du sommet de Göteborg en novembre 2017, affiche une volonté politique de la Commission européenne de se saisir de cette question, reste à appréhender sa déclinaison concrète. C’est ce à quoi aspirent et travaillent les organisations syndicales d’employeurs et de salariés françaises en vue des élections européennes.

Engagées dans cette campagne électorale décisive, elles ont construit des propositions en faveur d’une réaffirmation sociale de l’Europe, débattues en interne au sein de leurs instances, de l’échelon local au niveau national. Toutes sollicitent les principales têtes de liste afin de faire valoir leurs priorités, de faciliter le dialogue avec les futurs parlementaires élus et d’exprimer leurs souhaits pour la nouvelle mandature.

Avant tout, les partenaires sociaux soutiennent des politiques de convergence, d’harmonisation en faveur d’un mieux disant social pour notamment relever le niveau de protection sociale là où il est le plus bas. L’instauration d’un salaire minimum européen est portée par de plus en plus d’organisations, même s’il demeure encore des différences tangibles entre les pays. La préoccupation majeure est d’éviter tout dumping, toute concurrence déloyale, ce qui passe aussi par l’effectivité des mesures annoncées et des textes adoptés : il en est ainsi de la directive sur le détachement des travailleurs ou encore de l’Autorité européenne du travail, pour le moment juste ébauchée. Parmi les priorités énoncées, revient régulièrement celle de relever l’enjeu des compétences, exacerbé dans un contexte de transition écologique et de transformation numérique. Une meilleure orientation des fonds européens vers l’éducation – formation, permettrait d’une part, de doter les travailleurs de compétences et d’autre part, de favoriser les mobilités. Cet investissement doit servir une Europe davantage inclusive vis-à-vis des jeunes, des migrants. L’Europe ne doit pas être vécue comme une menace, facteur d’insécurité mais comme un vecteur de protection, un gage de vivre-ensemble. Les organisations attendent un agenda social avec des thèmes et un calendrier, voire un budget pour sa pleine réalisation. Elles espèrent de la prochaine mandature une mise en place concertée intégrant les partenaires sociaux européens dans le processus décisionnel en tant que véritables parties prenantes de ce dialogue avec la Commission. Encore jugé très institutionnalisé, le dialogue social européen doit permettre de redonner à l’Europe sociale toute sa voix.

A l’occasion de la Journée de l’Europe, nous avons publié un livret « Élections européennes : quelle Europe sociale voulons-nous ? » qui, nous l’espérons, contribuera à nourrir votre réflexion et à vous convaincre de la nécessité de forger l’Europe sociale. Ce n’est qu’en se mobilisant et en votant le 26 mai prochain que nous participerons aussi, à notre place, à une Europe de dialogue pour construire des ponts plutôt que des murs !

 



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