L’association des représentants du personnel, prochain enjeu des plans de vigilance ?

C’est un panel riche et diversifié d’intervenants qu’a réuni Réalités du dialogue social le 10 mai 2022 pour éclairer sur l’élaboration des plans de vigilance, imposé par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 aux entreprises de plus de 5 000 salariés en France ou de plus de 10 000 dans le monde, et sur l’association des représentants du personnel à cette démarche aux côtés d’autres parties prenantes.

  • En introduction, Cyril COSME, directeur du bureau de l’OIT France, a rappelé le contexte international dans lequel ce sujet du devoir de vigilance est traité, en tenant compte de l’impact des derniers événements, sanitaires et géopolitiques.
  • Marie-Noelle LOPEZ, co-fondatrice de Newbridges, et Fabrice WARNECK, directeur du bureau de Bruxelles de Syndex, ont décrypté respectivement le contenu de la loi de 2017 et les dispositifs dans d’autres pays d’Europe.
  • C’est par le suivi régulier de 24 multinationales en France sur le devoir de vigilance par son association, Entreprises pour les droits de l’homme, que Charlotte MICHON, déléguée générale, a rendu compte des pratiques, alerté sur les difficultés rencontrées par les entreprises et fournit des pistes pour mobiliser et intégrer les organisations syndicales dans le processus.
  • Le binôme, Christine BLANC-MICHELLAND, cheffe de projet concertation-négociation, et Éric CHARNAY, membre du comité mondial de dialogue sur la responsabilité sociale, ont fait part de leur expérience pour le groupe EDF.
  • Aline CONCHON, Senior Policy Advisor, IndustriAll a conclu, ou plutôt ouvert le débat sur la façon dont ce sujet est appréhendé par les partenaires sociaux européens mais aussi par les institutionnels puisqu’une proposition de directive, adoptée par la Commission européenne le 23 février 2022, est soumise à l’approbation du Parlement européen.

La régulation de la mondialisation, un nouveau champ de responsabilités des entreprises

L’organisation de la production sur différentes régions du monde reliées par des chaînes mondiales d’approvisionnement a pour corolaire de faire dépendre les conditions de travail des rapports entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Il est alors attendu des entreprises qu’elles rendent compte du caractère social de leur business model et de leurs impacts sur les communautés et l’environnement sur lesquels elles opèrent.

Le devoir de vigilance constitue un instrument de réponse à ce nouvel espace de responsabilités des entreprises qui peuvent s’appuyer, depuis les années 2000, sur des normes sociales internationales de référence en vue d’améliorer la gouvernance de ces chaînes mondiales d’approvisionnement[1]. En 2010, les obligations de diligence raisonnable sont entrées dans les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Cyril COSME les replace dans le contexte : « Nous étions encore à l’époque d’intensification de la mondialisation de l’économie, d’une forte expansion des échanges commerciaux et des investissements internationaux, une extension des réseaux mondiaux de production, d’interactions croissantes entre des donneurs d’ordre et des fournisseurs éparpillés dans tous les pays, avec une place centrale qu’occupe encore la Chine dans ces chaînes mondiales d’approvisionnement ».

La situation est toute autre aujourd’hui avec une mondialisation sous le feu de critiques, de trois ordres : politique, social et géostratégique dans la mesure où cette mondialisation de la production présente des risques de dépendance accrue à des puissances extérieures pour des industries essentielles ou pour l’approvisionnement énergétique. « Incontestablement, qu’il s’agisse de l’évolution du régime chinois dans un sens plus autoritaire, de la guerre en Ukraine et la question du gaz russe ou encore les effets de la pandémie, les termes dans lesquels on pose le débat sur la mondialisation et le devoir de vigilance sont peut-être moins exclusivement économiques qu’il y a une dizaine d’années et sans doute un peu plus politiques ». Pour Cyril COSME, cela ne signifie pas que le devoir de vigilance perd en pertinence, bien au contraire compte tenu des risques de nature politique et géopolitique auxquels sont exposées les entreprises : positions sur le marché russe ou élargissement de leur base de production en Chine.

Les instruments internationaux restent le référentiel applicable pour la plupart des entreprises, qui ne sont pas soumises à une législation nationale, et qui y souscrivent de façon volontaire ou, parfois, pressurisées par des acteurs externes ou leurs parties prenantes. Cette démarche de vigilance raisonnable ne doit pas s’appliquer uniquement dans la sphère directe – chaîne d’approvisionnement – mais aussi sur la zone d’influence, c’est-à-dire là où l’entreprise a la capacité d’agir, via ses relations commerciales et ses partenaires, et d’utiliser tous les leviers pour inciter ces derniers à se plier à ces standards internationaux. Pour le directeur France de l’OIT, « les textes internationaux sont à la base d’une forte expansion de la soft law qui donne des orientations pour les entreprises privées, qui s’en saisissent de façon volontaire mais aussi de plus en plus pour construire des engagements contractuels avec les parties prenantes qu’ils s’agissent des fédérations syndicales internationales, à travers les accords-cadres internationaux, ou parfois d’ONG ». Marie-Noëlle LOPEZ renchérit : « La question de l’entreprise et des droits de l’homme est tout d’abord une norme de conduite portée par des instruments internationaux, soft law ». Ces textes coexistent désormais avec des législations nationales (France, Allemagne…). Pour Cyril COSME, il est intéressant « d’observer comment, à travers les plans de vigilance des entreprises, on dépasse ce clivage stérile entre soft law et hard law »

La traduction juridique des principes directeurs

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